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Violences faites aux femmes en politique : ces 8 mesures demandées par l’observatoire des violences sexistes

Article paru sur le site de Radiofance.fr

Avec ces derniers jours les cas de Julien Bayou et Adrien Quatennens, les affaires de violences sexistes et sexuelles mettant en cause des hommes politiques s’enchaînent. Pour lutter contre, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique préconise huit mesures à mettre en place. 

« Les violences sexistes et sexuelles sont un problème de santé démocratique qui, en politique, se double d’un problème démocratique ». Après les affaires mettant en cause ces derniers jours le LFI Adrien Quatennens et l’écologiste Julien Bayou, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique a de nouveau interpellé mercredi la Première ministre Elisabeth Borne, la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes Isabelle Rome et la présidente de l’Assemblée national Yaël Braun-Pivet. L’objet de cette lettre ouverte : demander « une réforme sérieuse » pour lutter contre les violences faites aux femmes dans le monde politique.

La co-fondatrice de l’Observatoire, Fiona Texeire, fait le parallèle avec l’affaire de l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac : « En 2012, quand l’affaire de fraude fiscale sortil y a un émoi« , explique-t-elle. « À cette époque, la réaction du gouvernement a été de mettre en œuvre une loi pour la moralisation de la vie publique, qui a créé une autorité pour la transparence de la vie publique. Maintenant que les politiques tombent pour des affaires de violences sexuelles, on a besoin d’une réponse similaire. »

Fin juin, déjà, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles a partagé, en s’adressant à la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, huit mesures à mettre en place au sein de l’Assemblée pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Voici ce qu’il préconise.

Former les députés

L’Observatoire des violences sexistes et sexuelles, créé en février 2022 par les initiatrices de la tribune « #MeToo » en politique, propose comme première piste de former de façon obligatoire « député.e.s, fonctionnaires, collaborateur.ice.s à la prévention des violences sexistes et sexuelles ».De quoi permettre à chaque personne formée de savoir, par exemple, comment saisir la cellule de signalement.

« La formation des parlementaires n’existe pas en tant que telle, mais certains groupes la proposent à leurs membres, les Verts notamment », précise à France Inter la co-fondatrice du mouvement Fiona Texeire. « Mais rien n’est prévu au sein de l’Assemblée pour le moment. Or, avoir une formation de lutte contre les violences, c’est utile dans la vie professionnelle comme personnelle. Il arrive que les violences se cumulent, comme l’a montré l’affaire de l’ex-député Benoit Simian. » L’ancien marcheur a été condamné en juin dernier à huit mois de prison avec sursis pour harcèlement sur son ex-compagne, et est accusé par une ancienne collaboratrice d’avoir multiplié les messages intimes entre 2020 et 2021.

Lever l’immunité parlementaire dans certains cas

Pour l’Observatoire, si un député (ou une députée) est visé par une plainte pour « harcèlement, agression sexuelle, viol, violences conjugales, violences sur les enfants », il faut pouvoir lever l’immunité parlementaire de l’élu. Celle-ci leur permet actuellement, s’ils l’utilisent, de ne pas être entendus sous le régime de la garde à vue. Pour lever leur immunité, il faut un vote des élus du bureau de l’Assemblée nationale. « On demande un engagement politique des membres du bureau de l’Assemblée pour que l’immunité soit systématiquement levée en cas de violences sexistes et sexuelles. C’est une bonne pratique à mettre en place », assure Fiona Texeire.

« L’année dernière, pour le cas de Benoit Simian, son immunité n’avait pas été levée », rappelle-t-elle. En effet, en décembre 2021, le bureau de l’Assemblée nationale avait rejeté la demande formulée par le parquet de Bordeaux, alors que le député LREM était mis en cause dans une enquête pour harcèlement contre sa femme (avec qui il était en instance de divorce), ce qui « a retardé le procès ».

Sanctionner les propos sexistes

Dans sa lettre ouverte à l’Assemblée nationale, l’Observatoire demande également la « sanction systématique des propos sexistes tenus par des députés ». Que ce soit dans, ou en dehors, de l’hémicycle. Parmi les sanction évoquées : une retenue financière.

« Apres #MeToo politique, on ne peut pas avoir un nouveau scandale tous les trois mois et rester sans agir. Il faut une ligne claire dans la lutte contre toutes ces violences, et l’affaire Damien Abad n’a rien clarifié », poursuit Fiona Texeire. « Mais on manque de volonté politique » .

Réformer la cellule d’écoute

La « cellule d’écoute de lutte contre le harcèlement » de l’Assemblée nationale a été créée en janvier 2020. « Constituée de juristes, de psychologues et de médecins, elle garantira une réponse pluridisciplinaire, la confidentialité des échanges et l’anonymat des personnes », est-il notamment précisé sur le site de l’Assemblée. Mais elle est « aujourd’hui sous-utilisée, faute d’un climat de confiance nécessaire », regrette l’Observatoire.

Signaler tous les cas de violences sexistes ou sexuelles au procureur

C’est obligatoire, mais pas toujours appliqué selon l’association. L’article 40 du code de procédure pénale « prévoit l’obligation pour toute autorité de signaler au procureur de la République des crimes ou délits dont elle a connaissance »« Richard Ferrand ne l’avait jamais fait. Gérard Larcher non plus. Il faut utiliser les dispositifs actuels », martèle Fiona Texeire.

Suspendre la clause de loyauté en cas de violences

La clause de loyauté, permet, en cas de rupture de confiance entre un élu et un collaborateur par exemple, que l’élu puisse rompre le contrat de ce dernier. « Mais parfois, cette clause est utilisée comme outil de silenciation », assure la co-fondatrice de l’Observatoire, par exemple contre une personne qui signalerait des faits de harcèlement.

Des enquêtes régulières, un fonds pour les victimes

En préconisant « l’organisation régulière d’enquêtes de victimation », l’association veut mesurer l’ampleur des violences et leur évolution. Enfin, l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles propose de créer un fonds dédié à « l’accompagnement juridique, financier et psychologique des victimes » de violences. De quoi leur assurer une prise en charge sur le long terme, avec encore « d’énormes progrès à faire ».